Archives de catégorie : Identité

Des résistants à l’oeuvre.

Progressivement, mais sans volonté affirmée, le canal est devenu une véritable frontière entre sa rive droite – riche et prospère appréciée des expats – et sa rive gauche – essentiellement peuplée de personnes issues de l’immigration. Une véritable « ghettoïsation » de la ville. Un “ghetto européen” côté droit du canal qui traverse Bruxelles du sud-ouest au nord-est et un “ghetto d’immigrés” côté gauche.

La Région dispose de peu de moyens pour lutter contre cette évolution, qui semble irrésistible et a conduit à l’actuel apartheid de fait, en contradiction avec nos idéaux de ville mixte et équilibrée. L’implantation des logements sociaux figure cependant dans les compétences de la Région et des Communes. En les construisant volontairement du côté droit du canal, une certaine mixité pourrait se développer dans les quartiers et les écoles. Du côté gauche, on pourrait se limiter à la rénovation (urgente) des logements sociaux existants.

Avez-vous remarqué que toutes le écoles européennes se trouvent du côté droit du canal ? Le choix de l’emplacement d’une école est pourtant l’un des rares instruments à disposition de la Région pour rendre la ville plus mixte. Le combat militant et abouti pour l’installation de la nouvelle école européenne sur la rive gauche –  à Laeken – est exemplaire. Philippe Van Parijs le raconte fort bien dans cet article du  Brussels Times, traduit ICI pour vous.

photo Régie des Bâtiments

Catholiques minoritaires ?

La diminution de la pratique religieuse catholique en Belgique est telle que Caroline Sägesser s’autorise cette question: les catholiques sont-ils devenus une minorité en Belgique ?  C’est sur base du rapport annuel 2021 de l’Eglise catholique qu’elle se livre pour le CRISP à une analyse détaillée des chiffres et de leur signification.

Si en 1977, on comptait encore 77,7% de mariages à l’église à la suite du mariage civil, ils tombent à 9,9% en 2021. Pour les baptêmes, ils passent de 85,2% en 1977 à 31,2% en 2021. Pour ce qui est des prêtres,  71,3 % d’entre eux sont aujourd’hui âgés de plus de 65 ans et l’Église de Belgique  se voit contrainte de faire appel à l’étranger, notamment au Congo. Il n’y a pas de chiffres spécifiques pour Bruxelles, mais tout porte à croire que la baisse y est encore plus sensible.

La crise Covid-19 n’y est sans doute par pour rien non plus, mais n’explique pas une baisse continue depuis la fin du siècle passé. Toutefois la vitalité du monde catholique reste manifeste dans le monde culturel: organisations caritatives, éducation permanente, coopération internationale et, surtout, enseignement – une majorité d’enfants fréquentent l’enseignement catholique.

En voyage avec la STIB.

Billet d’humeur

Par cette belle journée fraîche, mais ensoleillée, la ville est belle. Les ombres et les lumières lui donnent du relief. Assis dans le bus 95, de la rue des Teinturiers en centre-ville jusqu’à son terminus place Wiener, c’est toute l’architecture bruxelloise qui défile par les fenêtres. Des maisons patriciennes à l’ordonnance classique de la place Royale, en passant devant des maisons Art Nouveau ou Art Déco, et puis cette architecture moderniste qui suit le style paquebot et les villas de style normand rattrapé par les cités jardins et le minimalisme. Sans compter des panoramas superbes sur la ville et un retour par l’avenue Roosevelt en tram 8.

Le  bus 48, lui il démarre de la place Fontainas et offre aussi des découvertes surprenantes en traversant les Marolles et la Porte de Hal, avant de s’aventurer au travers d’une série de parcs, dont les arbres n’attendent qu’à fleurir. Ensuite c’est la montée vers l’Altitude 100 qu’on découvre après avoir détaillé tant de belles demeures sur les rives de ces parcs. La descente vers Uccle Stalle est impressionnante, on se croirait dans une autre ville. On peut cependant s’en retourner à la gare du Midi en train en moins de 10 minutes.

La ville a bien changé. Sous le soleil les façades éclectiques s’avèrent attrayantes. Fini les immeubles noircis par le chauffage au charbon. Bien assis et sans le stress de la conduite, la ville s’offre sous un jour nouveau. Merci la STIB. C’est le verre à moitié plein qu’on oublie trop souvent d’admirer. Oui, la ville est belle, même si on ne peut oublier le verre à moitié vide, qu’il s’agit de remplir pour mettre fin aux inégalités criantes qui déchirent encore cette ville duale.

Des traces de l’histoire.

Faut-il déboulonner la statue de Léopold II sur son cheval pour marquer une opposition à sa politique coloniale ? La question a fait grand bruit et a déjà valu la disparition au square de Meeus du buste d’un de ses collaborateurs pour le Congo, le lieutenant-général Emile Storms. Sur la place Royale néoclassique, Godefroy de Bouillon – premier roi de Jérusalem (?) – doit-il quitter son piédestal pour se trouver face à la Cathédrale et être remplacé par Charles de Lorraine, qui y était à sa place et qui tourne aujourd’hui le dos à la ville, place du Musée ?

Deux questions de nature bien différente, mais qui illustrent cependant l’importance des traces que l’histoire a laissées dans Bruxelles et que d’aucuns estiment nécessaire de conserver, parfois accompagnées d’une plaque explicative qui tient compte du contexte et de l’évolution des mentalités. C’est ce que le Rijks Museum d’Amsterdam vient de mettre en oeuvre avec de nouveaux cartels (pancartes) sous ses oeuvres d’art, suite à son exposition temporaire sur l’esclavage.

Garder traces des nombreux « gouverneurs » de toutes nationalités qui se sont succédés à Bruxelles et y ont marqué leur territoire, c’est constituer un livre d’histoire à cel ouvert. En descendre certains de leur piédestal ou inscrire la nature de leurs actes est parfois indispensable. Les faire disparaître, n’est-ce pas priver les générations futures d’une possibilité de réflexion et d’esprit critique ?

photos extraites de BX1 et de be-monumen.be

Happy Monday: fini les clichés.

“Elle a bâti des ponts entre les communautés de Belgique, alors qu’ici et ailleurs, ils sont si nombreux et obstinés à ériger des murs et des bunkers, creuser des tranchées et « barbeliser » des ghettos”. C’est par ces mots que Joyce Azar a été accueillie par l’ambassadeur de France qui l’a fait Chevalier (sic) des Arts et des Lettres … reconnaissance sans doute longtemps réservée aux seuls hommes ?

C’est Thierry Fiorilli, journaliste et chroniqueur au Vif, qui a relevé cette distinction et a rédigé « C’est beau comme la Pearl de l’Orient ». Un article qui a laissé Joyce Azar sans mots. « Déconstruire les idées reçues, les clichés, qui marquent nos sociétés, pour décrypter, décoder, surpasser ». « Développer le dialogue interculturel », démontrant que le « multilinguisme est le support, la condition et le premier résultat de la diversité culturelle et de son acceptation ». Incarnant la nécessité « d’apprendre autres langues que celle que l’histoire, le hasard, vous a donnée à votre naissance”.

Je vous invite à lire cet article, qui peut être agrandi. Au-delà de l’hommage mérité, il ouvre des portes et des fenêtres pour notre ville – Rendez-vous du monde – et pour notre démocratie, qui s’interroge et souffre d’inégalités sans cesse croissantes.

illustration extraite d’une vidéo de la RTBF