Limites du droit de propriété ?

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La famille Janssen de la Boëssière-Thienne (1) prêtait gracieusement à une école un de ses bâtiments – de génération en génération depuis 1838 – ce qu’on appelle un commodat. Les héritiers Marc-Eric et Cyril en ont décidé autrement et la justice a reconnu le total droit de propriété aux héritiers. L’école sera expulsée le 30 septembre malgré ses propositions de rénovation au profit des propriétaires du bâtiment vétuste.

«  65 enfants heureux, 6 enseignants dynamiques, trois responsables chaleureuses de la surveillance et de l’entretien, une quarantaine de familles engagées, un village… perdent définitivement un lieu d’apprentissage de qualité et un emploi de proximité  ». Lire la suite dans Le Soir

Certes les propriétaires ont des droits et ils doivent être respectés. Nul ne peut leur imposer d’être généreux comme leurs ancêtres. Cela ne pose-t-il cependant pas la question des limites des droits individuels lorsqu’ils menacent sérieusement l’intérêt général ? Est-il normal que des immeubles restent vides pour des raisons spéculatives alors que des gens dorment dans la rue ? Est-il normal que des immeubles non entretenus ne soient pas rachetés par les pouvoirs publics ? Est-il normal que des logements puissent disparaître pour laisser de la place à de l’hébergement touristique plus rentable ? Poser la question, n’est pas encore y répondre.

(1) Les frères Marc-Eric et Cyril Janssen de la Boëssière-Thienne sont les héritiers de la vieille noblesse du Hainaut – les Thienne – et d’une puissante famille industrielle – les Janssen. Cyril est administrateur de la Financière de Tubize, actionnaire majoritaire de l’UCB, la grande entreprise pharmaceutique du Bel 20 fondée par son arrière-grand-père. Marc-Eric, lui, est notamment membre du conseil d’administration de Solvac. Tous deux ont hérité du splendide château de Lombise.

9 réflexions sur « Limites du droit de propriété ? »

  1. Philou

    @ Arthur, j’aimerais que vous élaboriez votre pensée à propos de « la société qui a souvent grandement contribué à la création de ces patrimoines ». En Belgique, la pression fiscale est de 45,4% du PIB, soit près de la moitié de la richesse produite qui est récoltée par l’Etat. L’héritage éventuel n’est donc que le solde après prélèvements qui vous reste pour avoir contribué à la société durant toute votre vie. Ce solde est lui-même taxé jusqu’à 30% lors de l’héritage. A vous suivre, vous proposez que ce solde soit plutôt reversé à 100% à l’Etat sous prétexte que nos enfants sont tous des « non-méritants ». Sans même commenter votre grande opinion des héritiers que nous serons tous inéluctablement un jour, vous revendiquez une sorte de retour au servage médiéval où le nouveau maître serait l’Etat, seul méritant…

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    1. Antonio Ponte

      J’ai eu l’occasion d’effectuer mon service militaire comme candidat officier de réserve, puis d’effectuer plusieurs rappels comme officier. Si je vous le dis, c’est parce que sans cela, je n’aurais jamais su comment les grandes fortunes familiales faisaient pour se perpétuer et croître, malgré que l’Etat soit aussi gourmand lors des héritages ! Quelques-uns de mes condisciples officiers de réserve étaient rentiers… A 23 ans ! Grâce à de subtils jeux d’écritures, tous les biens étaient la propriété de sociétés anonymes (notamment) ! Résultat ? Lors du décès de l’aïeul, les biens détenus sous formes de parts de sociétés, souvent dans des pays encore moins curieux que la Belgique, échappaient quasi totalement à l’impôt !
      Ce que vous dites concernant l’héritage est vrai pour le commun des mortels, vous, moi, des millions d’autres, mais cela ne concerne nullement le 1% des plus riches de ces contrées, peut-être même davantage que 1%…

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      1. Philou

        Riche ou pas riche n’est pas la question. La question est, si nous contribuons toute notre vie à la société (l’Etat), globalement pour près de la moitié de toute notre production de richesse, pourquoi devrions-nous encore y contribuer après notre mort en lui léguant ne fût-ce qu’une partie du solde restant qui aura déjà subit des prélèvements toute notre vie durant ? D’après Arthur, parce que les héritiers sont des « non-méritants ». D’après vous, parce que certains riches font des montages juridiques pour échapper à un impôt qui après tout peut être considéré comme une double imposition. Moi je pense que c’est la répartition de ce qui est déjà largement prélevé qui pose problème.Voyez-vous, puisque je m’adresse à un officier militaire, quand notre bon Etat s’apprête à dépenser des milliards d’Euro pour des avions de guerre, milliards qui vont surtout enrichir les riches que vous dénoncez au détriment des quelque 99% qui en seront potentiellement les principales victimes, c’est là que je vois le vrai problème !

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      2. Antonio Ponte

        @ Philou,
        D’abord, je tiens à rappeler qu’un officier de réserve était un civil en uniforme qui servait son pays conformément à une constitution qu’il n’avait pas élaborée lui-même ! Contrairement, à ce que vous semblez croire, je n’ai jamais été militaire d’active. Quant aux avions auxquels vous faites allusion, je ne suis pas convaincu que ce soit la priorité en matière de défense, mais je suis loin de posséder toutes les informations stratégiques pour me prononcer sur un tel sujet. Cependant, croire que l’armée est devenue inutile à une époque où les guerres d’un nouveau type éclatent de tout côté et où, à nos portes, un conflit local peut vite devenir mondial avec une super-puissance qui se réarme de jour en jour, je ne me sens pas d’humeur à bannir nos forces armées, ou le peu qu’il en reste et je plaide pour une armée européenne. Au pays des Bisounours, l’armée n’est pas nécessaire, mais moi, je ne vis pas dans cet univers-là !

        Vous semblez ignorer complètement tout ce que l’Etat fait avec notre argent en dehors d’une défense qui vous semble très coûteuse et inutile : sécurité sociale, infrastructures pour les transports, éducation… Je ne vois aucun mal à ce que l’Etat me prenne la moitié de mes revenus… Je déplore seulement que les plus riches ne contribuent guère avec un même pourcentage que moi. C’est amusant de voir que des personnes qui ne semblent pas faire partie de cette caste la défendent avec autant d’ardeur, s’identifiant presque à eux !

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        1. Philou

          Tout d’abord, n’assumez pas que je n’avais pas compris la différence entre un milicien et un militaire d’active. J’ai aussi fait mon service militaire ! Dire « qu’un officier de réserve n’était qu’un civil en uniforme qui servait son pays conformément à une constitution qu’il n’avait pas élaborée lui-même », c’est la charité qui se fout de l’hôpital. Personne ne vous obligeait à devenir officier, ni même milicien. Vous auriez pu choisir, par exemple, de vous occuper des pauvres avec un service civil. J’avais pressenti le « Bisounours », mais à nouveau, vous mettez des paroles dans ma bouche que je ne tiens pas à propos de l’armée. Par ailleurs, ce qui me fait bien rire dans votre discours, c’est de me rappeler les nombreux privilèges (de classe) dont les officiers bénéficiaient et auxquels les simples miliciens n’avaient pas droit alors qu’ils servaient leur pays au même titre que vous… Et si vous croyez lire dans mes propos que je défends les riches, vous vous trompez encore, ce sont des principes généraux que je défends, indifféremment de toute stratification sociale contrairement à vous qui semblez mettre tous les riches, « cette caste », dans le même sac. Relisez-moi, j’ai commencé par dire : riche ou pas riche n’est pas la question.

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          1. Antonio Ponte

            Effectivement, personne ne m’obligeait à devenir officier et à faire 13 mois de service militaire au lieu de 8 en Allemagne ou de 10 en Belgique comme soldat ou sous-officier de réserve ! Quant à refuser de faire mon service militaire et d’opter pour un service civil, « s’occuper des pauvres » comme vous dites, je n’en voulais pas car j’estimais qu’en cas de guerre, j’aurais un devoir à accomplir qui nécessiterait peut-être de mettre ma vie en danger. Je ne tenais pas à ce que d’autres le fassent à ma place !
            J’ai eu l’occasion de voir le rideau de fer en 1986 et la réaction des forces du Pacte de Varsovie, alors que nous étions 3, sans armes, sans casque, m’a donné froid dans le dos. Il suffisait d’avoir vu ça une seule fois pour comprendre qu’en face, ça ne rigolait pas comme c’était souvent le cas chez nous.
            Nous avons eu la chance d’échapper à un conflit majeur dont il ne serait probablement rien resté de l’Europe, voire de la planète. Tant mieux ! Comme la plupart des officiers que j’ai connus, je déteste la guerre. Mais ce n’est pas une raison suffisante pour accepter d’être envahi et malmené. A l’époque, il y avait un slogan qui faisait fureur chez les pacifistes : « Plutôt rouge que mort ! » Ce n’était pas mon opinion.

            Vous parlez des privilèges des officiers… Parlons-en ! J’ai effectué mon service à Bastogne après 5 mois d’instruction à Brasschaat où on nous en a fait voir de toutes les couleurs. A Bastogne, nous avions un cuisinier extraordinaire au mess des officiers… Nous gagnions 155 francs belges par jour (75 FB pour les soldats) mais nous devions payer nos repas, ce qui nous revenait à 250 FB par jour (sans les boissons) car, si effectivement les repas étaient bien meilleurs qu’à la cantine, nous devions payer le prix du marché (civil) où notre cuisinier s’approvisionnait. J’avais travaillé deux ans avant d’être incorporé et toutes mes économies y sont passées durant ces treize mois. Ne versez pas une larme, je ne m’en suis jamais plaint ! La cuisine du Chef Maillon en valait largement la peine et remontait notre moral ! C’était ainsi ! C’est tout ! J’avais des tickets de train de première classe au lieu de la seconde… Pourtant, j’aurais préféré voyager en seconde avec les autres miliciens car là, il y avait de l’ambiance au lieu de m’embêter comme un rat mort tout seul en première car il n’y avait pas d’autres officiers qui rentraient à Bruxelles.
            A la fin des heures normales de service, nous avions souvent encore du boulot. En contrepartie, nous ne devions pas rentrer de permission avant minuit, mais à quoi bon quand vous étiez à Bastogne sans moyen de locomotion personnel et que la ville était « morte » à 22:00 sauf dans de rares bistrots ?
            Au passage, je précise que sur les « huit » mois passés à Bastogne, j’en ai passé quatre en manoeuvres en Belgique ou en Allemagne. C’était dur, j’ai râlé, mais après, je ne l’ai jamais regretté, cela m’a un peu forgé le caractère.

            Quant à votre affirmation : « riche ou pas riche n’est pas la question », je ne la partage nullement ! Je reste persuadé que chacun doit contribuer en fonction de ses moyens et que celui qui en a plus doit contribuer davantage. Et ne vous figurez pas que je fais partie de ces « profiteurs » d’allocataires sociaux. Je suis dans ma 36e année de travail sans avoir chômé un seul jour. J’ai eu cette chance, parce que pour moi, c’en est une, et je crains que les jeunes d’aujourd’hui, même très diplômés ne puissent bénéficier d’une telle opportunité. Je crois que le travail va devenir de plus en plus rare et que les robots vont y contribuer toujours plus (cfr. l’article qu’Yvan Vandenbergh a publié il y a peu).

            Je n’essaie nullement de vous convaincre de quoi que ce soit, je vous fais part des faits que j’ai vécus et qui ont pu être très différents pour d’autres personnes ayant accompli leur service militaire.

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    2. Arthur

      @Philou,
      Je reconnais bien volontiers qu’il y a des personnes plus méritantes que d’autres, et qu’il est normal de rétribuer leur travail à hauteur de leur contribution à notre société. Être taxer sur son travail aussi est normal, mais nous nous rejoindrons certainement sur le fait que la Belgique taxe trop les revenus du travail. Mais là n’est pas le débat.

      « la société qui a souvent grandement contribué à la création de ces patrimoines »: Je ne crois simplement pas aux « self-made-men ». Tout un chacun a eu le loisir de profiter de l’éducation, des services et des infrastructures que la société et les générations passées ont rendus possibles. Parfois par des dettes contractées, et qui courent toujours. Il me paraît normal que mon patrimoine financier soit utilisé à ma mort pour rembourser ces dettes, ou utilisé pour des projets de société dans l’intérêt de tous et pour une plus grande justice sociale, pas seulement ceux de ma chère descendance, qui bénéficiera déjà de mon héritage culturel et de celui de notre société. Que notre héritage financier revienne à l’état après notre mort ne me choque pas. Ce n’est plus vraiment une « taxe », si l’on considère une taxe comme étant une contribution sur un revenu mérité.

      Vous caricaturez grossièrement mon discours en le comparant au système moyenâgeux… Oui l’état (c’est à dire nous tous, et nos aînés au travers des dettes étatiques) et pour les raisons citées plus haut, est probablement plus méritant (ou en tout cas ne l’est pas moins) que nos héritiers.

      J’ai certaines questions sur lesquelles je souhaiterai aussi avoir votre point de vue:
      Êtes-vous pour ou contre la méritocratie? Notre société actuelle vous paraît-elle méritocratique? Selon moi, en partie seulement au regard des revenus mérités (comme ceux issus du travail), mais cela pourrait être amélioré en remettant en question la notion même d’héritage.
      Enfin qu’avons-nous fait, qu’ont fait nos enfants, pour mériter un héritage, à part le fait d’être bien nés? Pour votre information j’ai déjà hérité, j’hériterai encore, et je léguerai à mes enfants, mais cela ne m’empêche pas de remettre en cause ces privilèges dont nous profitons injustement. Cordialement.

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  2. Arthur

    L’héritage matériel, qui n’est le fruit d’aucun mérite des héritiers, est-il encore légitime à notre époque? Tout héritage ne pourrait-il pas être légué à la société qui a souvent grandement contribué à la création de ces patrimoines, plutôt qu’à des « non-méritants »?

    Actuellement, mieux vaut hériter que mériter dans notre société, il serait temps de parler de « méritocratie ». L’héritage, sorte d’assistanat inter-générationnel, est un privilège moralement injuste qui ne fait que conforter les inégalités sociales.

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  3. Antonio Ponte

    Mais enfin, Yvan ! Vous voyez bien que les pauvres Marc-Eric et Cyril ont absolument besoin de ce bâtiment pour assure leur propre survie financière ! Ces deux malheureux sont dans le plus extrême dénuement… Qu’est-ce que leur misérable sort en comparaison de ces 65 geignards, de leurs profs toujours en vacances et de ces parents qui ont peur de rouler cinq ou dix ou vingt kilomètres pour déposer leur progéniture à quelques bornes de leur lieu d’habitation ? Au besoin, les TEC se chargeront d’amener (ou pas) leur progéniture à bon port ! Yvan, je vous trouve bien médisant ce matin !
    (Ok ! Je sors par la fenêtre !)

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