L’inexpertise responsable ?

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Sur les antennes de la RTBF, le philosophe Philippe Van Parijs était invité à débattre de la notion « d’essentiel » qui s’est trouvée au cœur de l’actualité depuis plusieurs mois. Une profession, une activité « essentielle » pour vous, l’est-elle pour moi ? Y a-t-il un « essentiel » commun ? Ensuite, on lui a demandé si la démocratie avait été malmenée, en particulier par le rôle donné aux experts. Il y a répondu en plaidant pour “l’inexpertise responsable”. Deux mots antagonistes. Un oxymore ? Une expression qui peut surprendre, mais qui ne manque pas d’intérêt, en ces temps où les experts de toutes disciplines ont acquis une influence considérable sur les choix politiques de l’exécutif et sur le nouveau mode de vie qui en découle.

Philippe Van Parijs estime que ce qui peut être attendu des membres du monde académique, ce n’est pas de s’exprimer au nom de leur institution, mais de s’engager à titre personnel. Marius Gilbert en est sans doute un bon exemple, très apprécié des Bruxellois. Ils ne peuvent se contenter de s’exprimer en tant qu’experts, de dépositaires attitré d’un fragment minuscule de la connaissance universelle, mais bien en tant qu’inexperts responsables. Ils doivent se permettre de prendre position de manière argumentée sur des questions dont l’opinion publique et les mandataires politiques ont à débattre. Ils doivent s’appuyer sur une synthèse critique des connaissances pertinentes, dont une part seulement relève de leur expertise et même de leur discipline. Les positions qu’ils prennent font aussi inévitablement appel à des jugements de valeur, qu’ils doivent être prêts à expliciter et défendre s’ils ne sont pas évidents pour tous.

Il ne s’agit pas donc pas d’être ou prétendre être « neutres », « purement scientifiques ». Mais il ne faut pas pour autant renoncer à une distinction claire entre faits et opinions. Il importe en effet d’immuniser les jugements de fait contre l’influence des jugements de valeur et celle des intérêts personnels ou collectifs. « L’inexpertise responsable » consiste à aider les responsables politiques, la société civile organisée et les simples citoyens, en articulant le mieux qu’on peut, analyses factuelles et jugements de valeur, pour fonder des recommandations précises sur des questions controversées.

 

2 réflexions sur « L’inexpertise responsable ? »

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