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Réaction corporatiste des communes ? Ou problème structurel lié à la réforme de l’Etat ?
A Bruxelles, c’est la Région qui vole au secours de nombreuses communes.
Jusqu’à quand le pourra-t-elle ?
L’Association de la Ville et des Communes de Bruxelles prône dès lors « un partage équitable de l’impôt des personnes physiques entre lieu de travail et lieu de résidence ».
Reste à en convaincre les Régions et communes de Flandre et de Wallonie qui sont les bénéficiaires du régime de taxation sur le lieu de résidence.
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Bruxelles: un mémorandum pour sauver les 19 communes
Pierre Vassart – Mis en ligne dimanche 17 novembre 2013,
Les finances communales pâtissent de la crise et de la sixième réforme institutionnelle. Réunis au sein de l’Association de la Ville et des communes de Bruxelles, leurs bourgmestres proposent un mémorandum pour sortir de l’ornière.
Les municipalités wallonnes qui annoncent l’une après l’autre des réductions de personnel pour cause de budget en berne, feraient presque oublier qu’à Bruxelles, les dix-neuf communes ne sont pas beaucoup mieux loties. Il n’est qu’à relever certaines mesures d’économies annoncées ces derniers jours à Molenbeek, Anderlecht, Watermael-Boitsfort, Schaerbeek ou Ixelles dans le cadre de la préparation des budgets 2014 (lire ci-dessous) : l’heure est sérieuse pour les budgets des communes bruxelloises. Au point que, au travers d’un mémorandum qu’elle vient de rendre public, l’Association de la Ville et des Communes de Bruxelles (AVCB) tire le signal d’alarme et formule une série de propositions pour sortir les finances locales de l’ornière.
C’est bien entendu toujours l’impact de la crise de 2008 dont les communes bruxelloises ont à subir les conséquences, avec, notamment, la fin de leurs rétributions pour leurs actions Dexia et la hausse importante du nombre de personnes émargeant à un Centre public d’action sociale (CPAS). Crise qui, comme le soulignait dernièrement le conseiller économique de l’AVCB Robert Petit dans le bulletin de l’institution, a également un impact sur la croissance du revenu disponible des ménages et l’emploi, et par voie de conséquence sur les recettes fiscales locales. Sans compter « une capacité contributive de la population en décroissance depuis de nombreuses années suite à l’exode des classes moyennes remplacées par de nouveaux habitants moins aisés ne pouvant compenser par les recettes fiscales qu’ils génèrent les coûts additionnels qu’ils induisent », observe l’AVCB dans son mémorandum diffusé « dans la perspective des prochaines élections régionales ».
Il y a encore la croissance démographique propre à notre capitale, qui induit pour les communes de nouvelles dépenses en matière de crèches et d’infrastructures scolaires, culturelles ou sportives. En outre, rappelle l’AVCB, les communes bruxelloises ont subi une lourde perte de moyens financiers lors de la régionalisation du Fonds des Communes. Et si cela ne suffisait pas, de nouvelles normes comptables – baptisées SEC95 – imposées par l’Europe pour la confection des budgets ne facilitent pas la tâche des échevins des Finances.
Revoir les revenus cadastraux
Mais il y a plus : pour des raisons liées aux forces centrifuges qui ont mené à la 6e réforme institutionnelle, l’Etat s’est déchargé sur les communes d’une partie de ses dépenses. Si le budget du personnel communal est aujourd’hui si important, c’est notamment parce que les communes doivent assurer totalement les charges en personnel liées à leur zone de police, y compris en matière de retraite. Au total pour les 19 communes, en effet, les dépenses en exercice propre sont passées en dix ans (de 2003 à 2013) de quelque 1,4 à 2,4 milliards d’euros, et cette augmentation a été davantage marquée entre 2007 et 2013 (+24,85 %, selon les chiffres présentés début novembre devant le parlement bruxellois par le ministre-président Rudi Vervoort). Le personnel, aujourd’hui, représente 41,74 %, du budget des communes, soit près de 860 millions d’euros, contre 720 en 2007 : ce poste a donc augmenté de 24,56 % entre 2007 et 2013, tant pour le personnel en activité que pour le financement des retraites.
Pour sortir de l’ornière budgétaire, l’AVCB prône dès lors « un partage équitable de l’impôt des personnes physiques entre lieu de travail et lieu de résidence ». Elle demande également que les communes bruxelloises bénéficient des 24 millions d’euros que prévoit l’Etat fédéral pour la Région afin de mieux compenser les pertes liées à la mainmorte (l’exemption de précompte immobilier pour les immeubles publics), ainsi que d’une partie des 135 millions prévus par le Fédéral pour améliorer la mobilité dans la capitale.
Autre proposition : constatant que les additionnels au précompte immobilier représentent 30 % des recettes communales et que leur perception a été régionalisée, elle souligne la nécessité d’un système nouveau afin que cette reprise de compétence par la Région n’entraîne aucune perte de recettes pour les communes. L’AVCB estime encore « que la révision des revenus cadastraux ne devrait plus constituer un tabou ». Enfin, elle souligne l’« urgence », selon elle, d’habiliter les communes à établir une redevance en contrepartie de la mise à disposition du domaine public pour l’installation de dispositifs fixes ou mobiles. Les opérateurs de téléphonie mobile, notamment, pour leurs antennes, vont apprécier.
Etrangler les communes: mauvais calcul
Suppliques et coups de gueule ne semblent rien y faire : les communes belges achèvent l’année dans une mouise financière dont tout indique qu’elle n’est pas près de s’arrêter. A l’heure de préparer les budgets pour 2014 et à quelques encablures des élections régionales et fédérales, les « syndicats » des pouvoirs locaux rédigent leurs cahiers de revendications.
Le récipiendaire est tout désigné : le gouvernement fédéral. Marre de voir la rue de la Loi se défausser sur les budgets communaux sans donner aux hôtels de ville les moyens de faire face à leurs nouvelles missions !
Selon l’Union des villes et communes wallonnes, les surcoûts et le manque à gagner imposés aux pouvoirs locaux par des (non-) décisions du fédéral culminent à 301 millions d’euros pour une seule année.
En étranglant les finances locales, le gouvernement fait pourtant un triple mauvais calcul.
Calcul politique d’abord ! Il est de bon ton d’affirmer que les pouvoirs locaux jettent l’argent par les fenêtres. C’est une erreur, même si le paysage communal n’est pas uniforme : aucun niveau de pouvoir n’est autant surveillé ou contrôlé en Belgique. Sans compter que de nombreuses entités sont placées sous plan de gestion depuis de nombreuses années, dans l’incapacité de s’offrir encore la moindre folie.
Dans les communes, l’équilibre budgétaire est à la fois une obsession et une obligation. Les délais dans la confection des budgets et la publication des comptes viennent d’être réduits pour répondre aux attentes des instances de contrôle.
Calcul économique ensuite ! Les communes génèrent 50 % des investissements réalisés par les pouvoirs publics. Entre 2012 et 2013, ces investissements locaux ont baissé de 17 %, soit 300 millions d’euros. Gare !
Calcul démocratique enfin ! Les communes sont proches des gens, cela va sans dire. Elles mènent des politiques qui ont un impact direct sur leur vie quotidienne. Elles forgent leur conscience citoyenne. Aider les communes à remplir leurs missions, c’est d’abord entretenir la démocratie de proximité.